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vendredi 15 septembre 2023

Le bicarbonate et les pâtes croquantes

 

On me propose l'idée suivante :

"le bicarbonate de soude fait lever la pate en reaction chimique avec des acides present dans certains ingredients comme le sucre roux on obtient des sables qui craquent sur le dessus" [sic]

Le bicarbonate ferait lever la pâte des pâtisseries quand il réagirait avec des acides présents dans certains ingrédients ? Il est clair que si certains ingrédients contiennent des acides, alors oui le bicarbonate peut faire lever la pâte.... mais on se souvient d'un autre billet où j'expliquais qu'il n'était pas nécessaire qu'une pâte contienne des acides pour que le bicarbonate, dégradé par la chaleur, libère du dioxyde de carbone et fasse gonfler la pâte.

La question que je pose est  :  les ingrédients d'une pâte à biscuit contiennent-ils des acides ? On me cite le sucre roux, et cela est trop vague, car il en existe de nombreux. Or, à l'instant, je viens à l'instant de déposer du bicarbonate sur du sucre roux avec un peu d'eau, et je n'ai pas vu de réaction quand j'ai chauffé un peu (pas au point de provoquer la décomposition du bicarbonate), preuve qu'il n'y a pas d'acide dans ce sucre roux que j'ai utilisé. D'autres sucres roux contiennent-ils acides ? je n'en sais rien car "sucre roux" n'est pas bien défini.

Et si l'on utilise du bicarbonate dans une pâte à sablés dont le sucre est du sucre roux, est-il exact qu'on obtient des sablés dans le dessus et croquant ? Je n'en sais rien et cela mériterait une expérimentation bien faite.

jeudi 14 septembre 2023

Ne pas confondre bicarbonate et poudres levantes

 Des pâtes plus moelleuses

Un correspondant m'interroge :

"la baking powder apporte plus de legerete avec une mache plus moelleuse dans une pate a biscuit depourvus d’acide" [sic]

Quand mes amis utilisent des mots anglais, j'ai toujours peur des confusions et lorsqu'un de mes correspondants me parle de baking powder alors qu'il m'a parlé précédemment de baking soda, je crains qu'il ne fasse une confusion entre les deux.

Le baking soda, je l'ai expliqué dans un autre billet, c'est du bicarbonate. et le bicarbonate se décompose effectivement dans l'eau chauffée, en libérant du dioxyde de carbone : faites donc l'expérience de mettre un peu de bicarbonate dans de l'eau que vous chauffez au four à micro-ondes, et vous verrez une forte effervescence.

En revanche,  le baking powder est ce que nous appelons en français des poudres levantes, et j'invite mon correspondant à utiliser des mots français pour bien faire la distinction : poudre levante dans un cas, bicarbonate dans l'autre.
Et les poudres levantes sont bien plus efficaces pour faire gonfler les pâtisseries.

Tout cela étant dit, les poudres levantes donnent-elles de la légèreté aux préparation pâtissières ? Evidemment oui : il suffit de comparer la même pâte à biscuit ou à gâteau avec ou sans poudre levante pour s'en apercevoir.

J'ajoute enfin que, pour les poudres levantes, tout est dans la poudre, les acides et les bases qui vont réagir, sans qu'il soit nécessaire que la pâte elle-même contienne des acides.

mercredi 13 septembre 2023

Baking soda et bicarbonate

 

Un correspondant me dit :

"L'ajout de baking soda(acide) reagit avec le bicarbonate de soude)". [sic]

 

Qu'en penser ? Que c'est ahurissant... car le baking soda, c'est précisément le bicarbonate de soude !

J'ai déjà souvent considéré les "poudres levantes" dans mes billets, notamment pour dénoncer la dénomination fautive et trompeuse de "levure chimique", et il est vrai que dans certains pays, on utilise du "baking soda", que certains professionnels utilisent du "bicarbonate", et cetera.

La question est la suivante : il s'agit de produire des bulles de dioxyde de carbone quand la préparation sera chauffée. C'est bulles feront gonfler la pâte.

Commençons par l'expérience simple qui consiste à mélanger de du bicarbonate (de sodium) avec de l'acide tartrique. L'acide tartrique est un acide  et le bicarbonate est une base : ces deux composés peuvent réagir... mais pas à sec  : si nous mélangeons les deux poudres, il ne se  passe rien. En revanche, dès que l'on ajoute un peu d'eau, on voit une vive effervescence, signe de la réaction.

L'important, pour les poudre levantes c'est qu'elle soit stables dans la pâte mais que la réaction se fasse lors de la cuisson, et c'est ainsi que les fabricants de poudres levantes ont composé des mélanges bien plus efficaces que notre simple mélange d'acide tartrique et de bicarbonate. Il faut aussi les composés dans les proportions intelligentes c'est-à-dire sans qu'il y ait trop d'acidité qui rendent la préparation impossible à manger. Bref, il y a lieu de faire des poudres levantes "professionnelles", bien faites, qui libèrent autant de gaz que possible et au bon moment.

En tout cas, le bicarbonate ne réagira pas avec le baking soda... car le baking soda, c'est précisément du bicarbonate !

Pas d'acides dans le sucre

 

Un correspondant soumet à mon analyse la phrase suivante :

"Dans les pâtes à foncer, le bicarbonate  de sodium ferait lever la pâte par réaction avec les acides présents dans le sucre."

Comment a-t-on pu inventer cela.... sachant qu'il n'y a pas d'acides dans le sucre ????????

Certes le bicarbonate peut réagir avec des acides pour libérer du dioxyde de carbone  : on le voit simplement en ajoutant du bicarbonate à du vinaigre blanc, lequel, lui, contient bien un acide, à savoir l'acide acétique.

Certes, le bicarbonate peut libérer du dioxyde de carbone,  qui fait éventuellement lever une pâte : d'ailleurs, si l'on chauffe de l'eau avec du bicarbonate, on voit l'eau mousser.

Mais  ce qui est vraiment choquant, ce sont ces prétendus acides qui seraient dans le sucre.
Non,  le sucre ne contient pas d'acides, et d'ailleurs le sucre de table  blanc est une forme quasi pure (plus de 99 pour cent) de saccharose. Disons le différemment : le sucre, ce sont des grains formés par l'empilement régulier des molécules de saccharose.
Autrement dit, il n'y a que des molécules de saccharose, et aucun acide.

D'où vient cette élucubration des acides dans le sucre ?  Décidément je m'étonne sans comprendre.



dimanche 20 septembre 2020

Une sauce qui tranche ?

science/études/cuisine/politique/Alsace/gratitude/émerveillement

 

 

1. On m'envoie une recette de sauce à l'orange qui tranche et l'on m'interroge sur les causes possibles de ce désastre.

2. On réalise cette sauce en pressant des oranges, puis en faisant réduire le jus à feu doux, avec des épices; ensuite on peut mettre un peu d'alcool,  et on ajoute au dernier moment de la crème fraîche ou du beurre que l'on émulsionne.

3. La question est posée par un interlocuteur : pourquoi l'ajout de la crème fraîche conduit-il au tranchage ?

4. Une "autorité" (?)  répond dans un journal féminin que soit le mélange d'ingrédients n'a pas été suffisamment réduit, soit la crème a précipité en raisons de l'acidité du liquide, soit  la crème n'a pas été mélangée correctement, soit enfin il y a eu un choc thermique,  la crème ayant été sortie du réfrigérateur et mise directement dans la sauce au dernier moment.

5. Au fond, cette réponse est idiote, parce que tout ou presque est évoqué... alors que quelques principes simples auraient permis d'y voir vraiment plus clair, et d'aider nos amis dans le souci.

6. Commençons par balayer  l'explication du "choc thermique", car cela n'a généralement aucun sens. Cela fait chic d'utiliser cette expression, mais en général les gens qui l'utilisent ne savent même pas à quoi ça correspond, sauf peut-être à dire que il y a eu du froid et du chaud. Et alors ?

7. L'acidité ? Certainement oui :  la crème tranche quand elle est mélangée à un acide, et cela se produit avec le jus de citron,  mais aussi avec le jus d'orange ou le jus de framboise, etc.,  puisque souvent ces produits sont très acides : en bouche, cette acidité très réelle n'apparaît pas, parce qu'elle est contrebalancée par du sucre,  mais cette acidité réelle fait tourner la crème, tout comme elle ferait tourner du lait (mettez donc un jour du jus de citron dans du lait chaud ).

8. La réduction ? Il n'est pas certain qu'elle change l'acidité,  car les acides présents que sont l'acide ascorbique, l'acide citrique, etc.  ne s'évaporent pas lors de la réduction. Tiens, j'y pense : savez-vous que l'on peut réduire cette acidité à l'aide de bicarbonate ? Son ajout conduit à la formation d'une mousse sans importance, et on sale un peu... mais comme très peu de bicarbonate est nécessaire, il y a peu de sel ajouté.

9. Le "mauvais mélange" de la crème ? Ce n'est certainement pas une cause de tranchage de la crème. Certes, c'est la cause des émulsifications insuffisantes, mais le phénomène n'est pas celui qui est discuté ici.

10. La présence d'alcool, elle, n'est pas discutée, mais elle conduit à des modifications de la crème, et à sa déstabilisation.

11. Bref, on est irréfutable quand on imagine plein de causes possibles... mais on ne répond pas à la question. 

En revanche, pensons à l'acidité quand on utilise de la crème... car c'est bien l'acide dans les produits laitiers qui est à l'origine des yaourts, des fromages...

lundi 13 avril 2020

A propos de lentilles et de dureté de l'eau


1. Un jeune collègue italien  m'interroge à propos de cuisson de légumes, et, plus particulièrement, de cuisson de lentilles. Je propose de commencer par une expérience...  puisque l'expérience a toujours raison, disait déjà Galilée :
Un bon moyen pour atteindre la vérité, c'est de préférer l'expérience à n'importe quel raisonnement, puisque nous sommes sûrs que lorsqu'un raisonnement est en désaccord avec l'expérience il contient une erreur, au moins sous une forme dissimulée. Il n'est pas possible, en effet, qu'une expérience sensible soit contraire à la vérité. Et c'est vraiment là un précepte qu'Aristote plaçait très haut et dont la force et la valeur dépassent de beaucoup celles qu'il faut accorder à l'autorité de n'importe quel homme au monde.

2. Cette expérience consiste à cuire des lentilles dans trois casseroles, où l'on met de l'eau du robinet, si celle-ci n'est pas trop "dure" (mais j'ai fait l'expérience dans des lieux si différents que je sais l'expérience "robuste") :
- dans la deuxième casserole, on ajoute du vinaigre
- dans la troisième casserole, on ajoute du "bicarbonate".
On chauffe les trois casseroles jusqu'à ce que les lentilles dans l'eau "pure" soient cuites, et l'on compare alors les lentilles des trois casseroles :
- dans l'eau "pure", les lentilles sont cuites comme il faut (par définition)
- dans l'eau avec le vinaigre, les lentilles sont dures comme des cailloux
- dans l'eau avec bicarbonate, les lentilles sont complètement défaites, en purée.

3. Ce fait étant établi, il nous faut des données pour interpréter les résultats, et il y a notamment :
- le fait que la dureté des légumes est due notamment à la cellulose
- le fait que la dureté des légumes est due  notamment aux pectines
- le fait que les lentilles contiennent des grains d'amidon

4. La cellulose est inerte chimiquement : et la preuve en est que nos chemises de coton, en cellulose quasi pure, peuvent être bouillies des centaines ou des milliers de fois sans se "dissoudre" dans l'eau de lavage.

5. Mais les molécules de celluloses sont tenues par les molécules de pectine, qui sont commes des cables autours de piliers de cellulose. Or les pectines peuvent se dégrader  par une réaction d'"hydrolyse" particulière, nommée élimination bêta. Elles perdent de petits morceaux, et les piliers de cellulose ne sont plus tenus : c'est pour cette raison que les légumes cuits ordinairement (casserole 1) s'attendrissent. Il  y a nombres d'articles scientifiques à propos, et je renvoie vers mon texte 66. Hervé This. Molecular Gastronomy, a chemical look to cooking. Accounts of Chemical Research, May 2009, vol 42, N°5, pp. 575-583, Published on the Web 05/19/2009 www.pubs.acs.org/acr, doi10.1021/ar8002078. , qui donne des pistes.

6. Les pectines sont sensibles à l'acidité du milieu, car ces "cordes", ou "cables", sont en réalité des chaînes moléculaires qui  portent de nombreux groupes acide carboxylique (-COOH). Lorsque le milieu est peu acide, une partie de ces groupes est sous la forme "déprotonée", ce qui signifie qu'ils ont perdu l'atome d'hydrogène H, et sont donc électriquement chargés. D'une part, ces charges se repoussent... ce qui explique d'ailleurs que les confitures ne prennent pas quand elles ne sont pas assez acides : les pectines se repoussent, et ne s'associent donc pas. D'autre part, les milieux "basiques" favorisent l'hydrolyse des pectines.

7. On comprend ainsi que les lentilles cuites en milieu acide restent dures, alors qu'elles sont défaites en milieu basique.

8. Mon correspondant parle un français difficile à comprendre (ce n'est pas un reproche que je lui fais), de sorte que  je ne suis pas certain de bien comprendre ce qu'il me dit à propos du bicarbonate, mais je le renvoie vers mon cours en ligne sur les calculs de pH pour voir ce qui se passe quand on ajoute du bicarbonate dans l'eau (https://tice.agroparistech.fr/coursenligne/main/document/document.php?cidReq=GM&curdirpath=/Des_cours_de_niveau_universitaire).
D'abord, disons plutôt hydrogénocarbonate de sodium.
Ensuite, ce composé de formule NaHCO3 se dissocie en Na+ et HCO3-, qui se dissocie lui-même en proton et ion carbonate CO32-

9. Pour comprendre maintenant la complication supplémentaire due au calcium, il faut savoir que ces ions Ca2+ sont abondants dans les eaux "dures".

10. Or les ions calcium gênent la réaction de dégradation des pectines, en "pontant" des molécules de pectine. En effet, les ions calcium sont doublement chargés, avec la charge électrique opposée  des groupes carboxylates (souvenez-vous : les groupes acides déprotonés). Et ils forment des édifices difficiles à détruire avec ces groupes. Cela durcit les lentilles.

11. D'ailleurs, une autre expérience consiste à cuire des légumes dans de l'eau additionnée d'ions calcium (par exemple, du chlorure) : les légumes deviennent très durs.
On voit aussi cet effet quand on chauffe des légumes (faisons l'expérience avec des carottes) à seulement 40-50 °C : on active des enzymes qui provoquent la fuite du calcium intracellulaire, lequel vient durcir les légumes, au point qu'on ne parvient plus, ensuite, à les amollir... avec deux conséquences :
- surtout pas de légumes dans les cuissons à basse température
- utilisons cette méthode pour affermir des cornichons, afin qu'ils restent bien croquants.

12. Ajouter du bicarbonate, c'est libérer des ions négativement chargés (hydrogénocarbonates et carbonates), qui peuvent conduire à la précipitation de carbonate de sodium, ou calcaire !
Autrement dit, le bicarbonate a une double action : il précipite le calcium, ce qui contribue à ne pas durcir les lentilles, et il amollit, par l'effet "anti-acide".

Est-ce clair ?

dimanche 20 janvier 2019

A propos de pesticides : je ne réponds donc pas, puisque je me suis engagé ;-)

On se souvient que j'ai pris l'engagement de ne plus parler de nutrition ou de toxicologie, mais hélas, on me prête des talents que je n'ai pas. Ici, je profite de l'occasion pour montrer comment on se comporte en scientifique.

Voici la question :

Voici le conseil que je reçois sur mon blog, après avoir raconté qu’un ami avait épluché ses radis chez moi (il craignait les pesticides) : 
« Mettre à tremper 20 minutes vos légumes dans 1, ou 2, ou 3 litres d'eau selon la quantité à rendre bio, avec 1cs pour 1 litre, 2 cs pour 2 litres, etc etc de bicarbonate de soude, il n'y aura plus de pesticides, le bicarbonate est un pesticivore de première, et en plus ça gardera la couleur primale des légumes, et voili voilou, pas plus compliqué, on peut rincer après si on veut... pour les maniaques… »
C’est un point bien intéressant, et ce n’est pas la première fois que j’en entends parler : mais d’après vous, est-ce vrai ?
Une matière X, ici le bicarbonate, peut-elle vraiment manger (en 20 mn qui plus est) des pesticides peut-être multiples ? Comment fait le bicarbonate ? Quel est le principe de son action ?


Pour répondre  sans répondre, j'analyse, donc (et on verra que cela suffit à répondre)

Et je commence par observer qu'un ami de ma correspondante épluchait les radis pour éviter les "pesticides".
Mais au fait, cet ami savait-il que les végétaux se protègent spontanément contre les "pestes" (micro-organismes, rongeurs, etc.) par des composés que l'on nomme donc des "pesticides" ? Et le toxicologue mondialement connu Bruce Ames a mesuré que 99,99 pour cent des pesticides de notre alimentation sont d'origine naturelle. Et ces pesticides sont dans les parties externes : par exemple, les glycoalcaloïdes des peaux de pomme de terre. Enfin, ajoutons que ces pesticides naturels ne sont pas moins dangereux que les pesticides de synthèse !
Donc faut-il peler les radis ? Face aux peurs de ce type, j'ai toujours tendance à demander à mes interlocuteurs s'ils fument, boivent (trop) d'alcool, font (trop) peu de sport, et mangent beaucoup (trop) ? Si oui, qu'ils ne s'inquiètent que très modérément des pesticides, car les études montreront qu'ils mourront de tous leurs comportement précédemment évoqués.
Mais là, je suis sur un terrain où je ne veux pas aller, et, même j'ai les bons arguments, je n'entre pas dans la discussion.

J'arrive maintenant à cette partie de phrase "1, ou 2, ou 3 litres d'eau selon la quantité à rendre bio" : là, l'ami de ma correspondante a parfaitement tort, car le trempage des végétaux dans de l'eau ne suffit pas pour rendre les végétaux bio ! Le "bio", c'est un ensemble de règles de production... et ce serait trop simple si tous les agriculteurs pouvaient se contenter de tremper leurs produits pour faire payer bien plus cher !

Le bicarbonate suffit-il, lui ? Pas plus. Mais l'ami en question dit en outre autre chose, à savoir que le bicarbonate supprimerait les pesticides des végétaux.
Il y a plusieurs commentaires à faire. Le premier est que les pesticides, s'ils sont lessivables, auront été lessivés sur les plantes. D'autre part, j'ai évoqué les glycoalcaloïdes toxiques des pommes de terre, dans les trois premiers millimètres sous la surface, et aucun bicarbonate ne supprimera ces pesticides naturels.

La couleur des légumes ? Ce que dit l'ami est parfaitement faux, car les pigments des végétaux, en toute généralité, changent de couleur avec le "pH", disons l'acidité ou la basicité. C'était d'ailleurs ainsi que l'on distinguait les produits végétaux des produits animaux, dans le temps. Pensons au chou rouge, qui  vire au rouge ou au bleu selon qu'on ajoute un peu de vinaigre ou de bicarbonate. Pensons au thé au citron, qui change de couleur quand on ajoute du bicarbonate !
Et puis, il y a des questions de langue : couleur "primale" ? Je suppose que notre ami veut parler de couleur... naturelle, par exemple. J'insiste un peu, parce que, dans ces questions, la pensée (juste) repose sur des mots justes ! Et les confusions qui engendrent ces débats interminables et sans intérêt sur les réseaux sociaux naissent souvent de l'emploi inconsidéré des mots. Un chat n'est pas un chien, un tournevis n'est pas un marteau. De quoi parle-t-on ? Bien sûr, nos amis peuvent dire n'importe quoi au café du commerce numérique, mais je n'ai pas de temps à perdre pour aller à ce bistrot : il y a des urgences plus grandes, à savoir s'interroger sur l'alimentation de tous ceux qui ont fait, et des dix milliards de personne qu'il faudra nourrir en 2050... sans compter mes travaux scientifiques.
Mais, en restant dans ce domaine, je profite de la faute de langue qui est faite pour discuter le mot "naturel" : je rappelle que le dictionnaire définit ce mot comme "ce qui n'a pas fait l'intervention d'un être humain". Or la cuisine, c'est bien l'intervention d'un être humain. Oui, il faut le dire et le répéter, la cuisine produits des mets, qui sont parfaitement "artificiels", au sens du dictionnaire, et non au sens de nos fantasmes. Et artificiels a la même racine qu'art, artiste.

Passons maintenant aux commentaires de ma correspondante. Le bicarbonate peut-il éliminer des pesticides qui seraient à la surface des végétaux ?
C'est là la partie qui m'intéresse  : face à une telle question, le ou la scientifique commence par faire une "bibliographie", à savoir que l'on va sur des sites scientifiques, pour chercher des articles scientifiques faisant état d'études rigoureuses sur la question. J'observe d'ailleurs qu'il ne s'agit pas que le bicarbonate "mange" les pesticides, mais soit qu'il les dégrade chimiquement, soit qu'il les lessive mieux que l'eau pure, par exemple.

Mais ici, le billet serait trop long s'il donnait le résultat de l'étude, et je me mettrais dans la position de répondre à des questions de toxicologie ou de nutrition, ce que je me suis engagé à ne pas faire. Je me contente donc d'observer que "les pesticides", c'est une catégorie bien trop vaste, et les panacées n'existent pas ! Une panacée, c'est par définition une drogue qui guérit tout : un fantasme, donc. De même, un composé qui aurait toutes les propriétés, vis à vis de tous les pesticides différents, cela n'est pas possible.
Reste que, même si je ne donne pas ici le résultat de mon étude bibliographique, il est intéressant de savoir que le mécanisme d'action du bicarbonate... est encore très mal connu, au point que vient d'être publié un article scientifique de belle qualité qui examine la question : cela date de moins d'un mois !
Et voilà pourquoi nous avons besoin de bien plus de science !


Mais je pressens que mes interlocuteurs ne seront pas content de moi, et il faut que je revienne à leur question. 

Je propose de répondre : mes amis, n'ayons pas peur, et faisons confiance aux experts beaucoup trop nombreux (qui veillent sur notre alimentation) ! N'ayons pas peur de tout ce que nous mangeons, ne cédons pas à l'orthorexie qui conduit à des déviances alimentaires et sociales délétères !
Craignons plus l'hygiénisme que l'empoisonnement par des "traces de composés potentiellement dangereux" (une expression que je vous invite à méditer).



PS. Un petit début de la longue liste d'articles que j'ai consultés (je ne dis pas que tous ces articles sont bons) :


Graziela C. R. M. Andrade,* ,a Sérgio H. Monteiro, b Jeane G. Francisco, a
Leila A. Figueiredo, a Aderbal A. Rocha c and Valdemar L. Tornisielo a, Effects of Types of Washing and Peeling in Relation to Pesticide Residues in
Tomatoes, J. Braz. Chem. Soc., Vol. 26, No. 10, 1994-2002, 2015.


Y. Liang a,b , W. Wang a , Y. Shen b , Y. Liu b , X.J. Liu a, Effects of home preparation on organophosphorus pesticide residues in
raw cucumber, Food Chemistry 133 (2012) 636–640


AM FADAEI 1 , MH DEHGHANI *1 , AH MAHVI 1 , S. NASSERI 1 ,
N. RASTKARI 2 , AND M. SHAYEGHI 3, Degradation of Organophosphorus Pesticides in
Water during UV/H 2 O 2 Treatment: Role of Sulphate
and Bicarbonate Ions, E-Journal of Chemistry 2012, 9(4), 2015-2022

T. E. ARCHER and J. D. STOKES, REMOVAL O F CARBOFURAN RESIDUES FROM STRAWBERRIES
BY VARIOUS WASHES AND JAM PRODUCTION ,University
of California, Toxicology Davis, CA 95616,

Tianxi Yang, † Jeffery Doherty, ‡,§ Bin Zhao, † Amanda J. Kinchla, † John M. Clark, ‡,§ and Lili He* ,† Effectiveness of Commercial and Homemade Washing Agents in Removing Pesticide Residues on and in ApplesJ. Agric. Food Chem. 2017, 65, 9744-9752

vendredi 28 décembre 2018

Et pour cuire des coings

Les coings sont des fruits étranges : très durs, mais d'un parfum envoûtant, notamment.


Les cuire ? Avec de l'eau, la cuisson dure longtemps... mais faut-il vraiment que nous nous comportions comme il y a  des siècles, en cuisine ? Pourquoi n'utiliserions pas des ressources modernes ?
En l'occurrence, ce moyen "moderne", cela peut être le "bicarbonate", que les chimistes désignent plus justement sous le nom d'hydrogénocarbonate de sodium. C'est un composé basique, le "contraire" d'un composé acide, qui fait des merveilles, même en très faibles quantités.
Mettons-en une pincée dans une casserole où cuisent des quartiers de coing, et l'on voit parfois une petite mousse apparaître. Cela n'est rien d'important, mais seulement le fait que le bicarbonate réagit avec des acides du fruit. Surtout, la cuisson est considérablement accélérée, au point qu'il faut se méfier si l'on ne veut pas récupérer une purée.
Evidemment, le goût du bicarbonate est "savonneux", mais une fois la cuisson faite, une fois les fruits amollis, il suffit de rectifier le goût avec un acide, tel le jus de citron... ou l'acide citrique, à volonté. On en met un peu, on goûte, et l'on s'arrête dès que le goût nous convient. Ah, j'y pense : en milieu acide, les coings rougissent, que l'on ait ou non joué au jeu du bicarbonate et de sa neutralisation.

Et c'est ainsi que la chimie est belle, non ? 

dimanche 25 novembre 2018

Le salage de l'eau de cuisson des lentilles

Une question m'est posée, ce soir, et, comme j'en ai pris l'habitude, je donne la réponse à tous.

D'abord la question :

Bonjour Monsieur,
Je vous ai posé récemment une question sur votre blog, en commentaire d’un article publié en décembre 2016 au sujet de la cuisson des lentilles.
Mais je ne vois pas ma question dans les commentaires. Du coup je ne sais pas si elle vous est parvenue et je me permets de vous la poser par e-mail.
Ma question concerne le salage de l’eau de cuisson pour les lentilles. On lit souvent qu’il ne faut pas saler l’eau de cuisson des lentilles, au risque qu’elles restent dures.
Or dans un article de son site https://www.seriouseats.com/2016/09/salt-beans-cooking-soaking-water-good-or-bad.html, Kenji Lopez démontre le contraire, expliquant que les ions sodium se substitueraient aux ions calcium et assoupliraient les pectines, ce qui non seulement permettrait à la peau de se détendre mais aussi éviterait que les lentilles n’éclatent.
Et par ailleurs, le salage de l’eau permet de le saler de l’intérieur, comme pour les pâtes ou les pommes de terre.
Cette explication vous paraît elle correcte, et valide-t-elle la pertinence de saler l’eau de cuisson des lentilles ?



Tout d'abord, je suis bien confus de ne pas avoir répondu... mais je n'ai pas vu ce commentaire. Le mieux, pour m'interroger : icmg@agroparistech.fr.

D'autre part, pour bien comprendre la question de la cuisson des légumes secs -et d'ailleurs des légumes en général-, il faut savoir que les végétaux sont composés de "cellules" (de petits sacs), qui sont cimentés les uns aux autres par des molécules de pectine, qui sont comme de longs fils entourés autours de piliers que sont les molécules de cellulose.
La cellulose ? Pensons à du coton hydrophile, ou à tous ces résidus solides qui restent dans les centrifugeuses, ou extracteurs à jus : ce sont des "fibres", non digestibles.
Les pectines ? Ce sont des molécules comme des fils, qui font prendre les confitures.
Cela étant posé, il faut encore savoir que la cuisson ne modifie pas les molécules de cellulose : et la meilleure preuve, c'est que nos chemises en coton subissent de nombreux cycles de lavage sans de dissoudre ! En revanche, les pectines sont dégradées, et, ne pouvant plus tenir les cellules entre elles, elles laissent le tissu végétal amolli.

Le sodium et le calcium, dans cette affaire ? Le calcium est un "ion" (pensons un atomes qui veut se lier à certains voisins) à deux "bras" : il peut ponter deux molécules de pectines, ce qui, d'une part, renforce le ciment intercellulaire, et, d'autre part, bloque la dégradation des pectines ! Voilà pourquoi il y a certaines eaux calcaires où les lentilles ne cuisent jamais !
Le sel ? Si le sel n'apportait que du sodium, tout irait bien... mais il y a sel et sel : par exemple, le sel gris contient parfois beaucoup de calcium (et même certains sels blancs).
De toute façon, rien ne vaut une pincée de bicarbonate, car ce dernier fait précipiter le calcium, laissant une eau à la fois adoucie et un peu basique : tout pour amollir. Et si le goût final vous déplait (avec une pincée, pas de risque), vous "neutralisez" avec un acide : vinaigre blanc, jus de citron, etc.

Enfin, le salage permet-il de saler l'intérieur des pâtes ou des pommes de terre ? Pour les pommes de terre, nous avions fait un séminaire sur la question, et nous n'avons pas vu de goût. Pour les pâtes, il faut bien y regarder, car l'étude n'est pas faite. Il faudrait cuire dans l'eau salée, puis rincer à l'eau pure, puis goûter... ou, mieux, analyser correctement.

Mais je ne veux pas terminer sans vous inviter à faire une expérience que j'ai faite pour la première fois (en conférence) en 1990 : on part de trois casseroles identiques, avec la même eau, en même quantité, et l'on ajoute : rien dans la première ; du vinaigre blanc dans la deuxième ; du bicarbonate dans la troisième. On met alors la même quantité de lentilles, pois, haricots secs... et l'on porte à ébullition simultanément.
De temps en temps, on goûte les lentilles dans l'eau pure : quand elles sont cuites, on regarde dans les deux autres casseroles. Les lentilles dans l'eau vinaigrées sont dures comme du bois, tandis que, avec le bicarbonate, on a une purée. J'adore ce type d'expérimentations qui parlent mieux qu'un long discours ! Comme disait Michael Faraday : ce n'est pas tout de comprendre les bons principes, il faut expérimenter !



mardi 12 décembre 2017

Faire pétiller

Ce matin, un ami-internaute m'interroge : comment faire pétiller des aliments ?

Il y a de nombreuses solutions, mais connaissez vous celles ci ?

1. Vous prenez un siphon, vous y mettez des groseilles (ou n'importe quoi d'autre), puis vous mettez une ou deux cartouche de dioxyde de carbone ; vous attendez que le CO2 se dissolve, puis vous consommez les aliments... qui pétillent.

2. Vous faites un mélange de deux tiers d'acide tartrique (ou d'acide citrique, ou d'acide ascorbique) et un tiers de bicarbonate de sodium. Tant que le mélange de poudre est à l'écart de tout liquide, il est stable, mais s'il vient au contact d'eau (ou de café, jus d'orange, etc.), alors une effervescence se produit.








Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)