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samedi 6 janvier 2024

Des questions de protéines et d'acides aminés

Je reçois une question : 

 

Qu'est-ce qu'une protéine ? Qu'est-ce qu'un acide aminé ? Souvent, on sait que les protéines sont faites de résidus d'acides aminés, et, parfois, on connaît le terme de "peptide", ou de "polypeptide", mais quand a-t-on une protéine ? 

Et je reçois une question subsidiaire : 

Les résidus d'acides aminés sont-ils différents, dans une protéines, ou bien un même résidu peut-il être présent plusieurs fois ? 

 

 Ma réponse est constante, pour les étudiants en science et technologie des aliments, comme pour tous : pour ces questions de définition des termes chimiques, le RÉFLEXE immédiat doit être de consulter le Gold Book de l'Union internationale de chimie et des applications de la chimie, soit IUPAC, en anglais : https://goldbook.iupac.org/terms/view/P04898. 

Et, pour le mot "protéines", on trouve :

Naturally occurring and synthetic polypeptides having molecular weights greater than about 10000 (the limit is not precise).

See also:
peptides
Source:
PAC, 1995, 67, 1307. (Glossary of class names of organic compounds and reactivity intermediates based on structure (IUPAC Recommendations 1995)) on page 1361 [Terms] [Paper]
See also:
White Book, 2nd ed., p. 48 [Terms] [Book]

 C'est donc clair : il s'agit de composés "naturels" ou de synthèse. La catégorie comprend les protéines d'origine naturelle, mais aussi des protéines synthétisées, des "polypeptides". 


Polypeptides ? Regardons l'IUPAC : 


Peptides containing ten or more amino acid residues.Sources:

PAC, 1995, 67, 1307. (Glossary of class names of organic compounds and reactivity intermediates based on structure (IUPAC Recommendations 1995)) on page 1359 [Terms] [Paper]
White Book, 2nd ed., p. 48 [Terms] [Book]

 

Et cela doit nous conduire à "peptides", et à "résidus d'acides aminés". 

Pour "peptide", tout d'abord : 

Amides derived from two or more amino carboxylic acid molecules (the same or different) by formation of a covalent bond from the carbonyl carbon of one to the nitrogen atom of another with formal loss of water. The term is usually applied to structures formed from α-amino acids, but it includes those derived from any amino carboxylic acid. 

 

Là, c'est un gros morceau, mais conservons, pour les besoin de notre discussion, qu'il y a des composés dont les molécules sont des résidus d'acides aminés, en petit nombre (moins que 10, sans quoi on tombe dans le polypeptide).  


Et il nous reste les acides aminés, ainsi que les "résidus" d'acides aminés. 

Pour les acides aminés, c'est tout simple, en quelque sorte, puisque ce sont des composés dont la molécule porte   :
- un groupe amine  : un des atomes de carbone C du squelette moléculaire est lié à un atome d'azote N, qui est lui-même lié à deux atomes d'hydrogène (je simplifie) ; on trouve un motif -NH2
- un groupe acide carboxylique : cette fois, un des atomes de carbone C du squelette moléculaire est lié à un atome d'oxygène O, d'un côté, et à un autre atome d'oxygène O qui est lié à un atome d'hydrogène H, soit le groupe -COOH

J'ajoute qu'un acide aminé a donc cette structure moléculaire, mais que, quand des acides aminés s'enchaînent en peptides, en polypeptides ou en protéines, alors ils sont modifiés, avec la perte de certains atomes, de sorte que cette structure n'est plus présente ; on n'a plus des "acides aminés", mais des objets que l'on peut identifier par la pensée, et qui sont des "résidus d'acides aminés". 

J'ajoute aussi, pour revenir à la question initialement posée, que les acides aminés qui sont présents chez les êtres vivants, soit sous forme d'acide aminé, soit sous la forme de résidu d'acide aminé, sont au nombre de 20 (pour les plus courants)
[Kvenvolden KA. 1972. Criteria for distinguishing biogenic and abiogenic amino acids, Space Life Sciences, 4, 60-68]

Et, dans un enchaînement de résidus d'acides aminés, pour terminer, on peut trouver n'importe lequel en n'importe quelle position, de sorte que, oui, un même résidu peut se retrouver plusieurs fois présent dans une chaîne polypeptidique ou dans une protéine. 


Ouf, est-ce assez répondu ?

 

mardi 12 décembre 2023

Beurre nantais ? Beurre blanc ? Non, sauce blanche !

 Ce matin, une question à propos de "beurre nantais"

 

Bonjour Monsieur This,

Je suis  nantais d'origine et  adepte de la sauce au beurre blanc (parfois appelée beurre nantais).
Je m'adresse à vous car je pense que vous êtes à même d'expliquer le pourquoi du comment quant à la réussite ou le ratage de cette sauce. Je la rate plus souvent (à mon grand désespoir) que je ne la réussis ! Et j'aimerais ne pas la rater pour les fêtes de Noël...

Après moult essais et recherches sur internet, je ne trouve pas d'explications scientifiques poussées.
Chacun a son explication ou son astuce mais sans trop pouvoir la justifier :

- couper menu les échalotes ??
- réduire très lentement le mélange échalotes + vinaigre + vin ??
- ajouter systématiquement du vin au vinaigre ( pb d'acidité ? acidité du vin moins importante que celle du vinaigre ? )
- laisser refroidir complètement la réduction d'échalotes avant d'incorporer le beurre ??
- ajouter de la crème avant d'incorporer le beurre ??
- ajouter un filet d'eau froide ??
- incorporer le beurre froid  ou très froid ( il y a apparemment un consensus là dessus) ??      en petits morceaux ??
- mélanger le beurre sans jamais cesser de fouetter délicatement en formant des 8 et à feux doux ??
- beurre clarifié ??
- difficile de la réchauffer au bain-marie ??

Quelles sont dans toutes ces manipulations, les vrais gestes à faire et surtout pour quelles raisons je suis un?

Je vous ai connu par le biais de vos articles très intéressants dans la revue Pour la Science ( et gastronomie)
J'ai une formation scientifique ( baccalauréat C). J'aimerais comprendre le ou les phénomènes physico-chimiques inhérents à l'élaboration du beurre blanc.

Je crois avoir compris que le beurre est une émulsion inversée  "eau dans huile" .

Est-ce qu'une question de température (froid au départ, pas trop chaud ensuite mais quels seraient alors les seuils à ne pas dépasser)  et/ou d'acidité (vinaigre, vin), ou bien autre chose encore ?

En résumé, que se passe-t-il chimiquement pour que cette sauce au beurre blanc soit si instable ?

Je suis tombé sur ce podcast, certes intéressant, mais ne fournissant pas suffisamment d'explications ( il est question du beurre blanc des minutes 10 à 18) :
https://www.franceinter.fr/vie-quotidienne/le-beurre-blanc

J'espère que vous comprendrez mon interrogation et que vous pourrez y répondre malgré votre temps précieux.

Merci d'avance.
Bien gastronomiquement.

 

Et voici ma réponse
 
Merci pour votre message.
La première des choses que je fais, quand je discute d'une recette, c'est de savoir vraiment ce dont je parle... et cela m'a conduit à faire, chaque semaine, une recherche historique que je publie dans les Nouvelles gastronomiques... avec de nombreuses surprises !
Et pour le "beurre blanc" : https://nouvellesgastronomiques.com/beurre-blanc-non-sauce-blanche/. 

Voici en clair : 

Beurre blanc ? Non : sauce blanche

Hervé This s’interroge sur l’appellation de cette sauce que tout le monde connaît… Le beurre blanc ? Ces billets terminologiques ont déjà plusieurs fois signalé des attributions erronées de termes, et il vient d’en trouver un nouveau…

Wikipédia signalait que, en 1890, au restaurant La Buvette de la Marine, dans le hameau de La Chebuette, lieu-dit de la commune de Saint-Julien-de-Concelles, situé sur les bords de la Loire, à quelques kilomètres en amont de Nantes, une certaine Clémence Lefeuvre aurait inventé le beurre blanc, pour le marier avec les poissons de Loire. On dit même que cela aurait résulté d’un ratage d’une béarnaise… mais c’est être bien ignorant de l’histoire de la cuisine que de propager cette idée, car on trouve déjà une sauce tout à fait analogue dans l’auteur du 17e siècle (deux siècles et demi avant cette cuisinière nantaise!) qui signe seulement de ses initiales « L.S.R », peut-être pour « le sieur Robert ».

Plus précisément, LSR, en 1643, propose de faire une « sauce blanche » avec beurre, bouillon, sel, poivre, qu’il sert sur du brochet, et qui insiste pour dire que l’émulsion doit être bien faite, sans « tourner en huile ».

Bref, Clémence Lefeuvre n’a rien inventé… d’autant que l’on retrouve encore cette « sauce blanche » chez Pierre François La Varenne : « faites une sauce avec du beurre bien frais, peu de vinaigre, sel, muscade, & un jaune d’oeuf pour lier la sauce. » Là, il détourne la sauce blanche de LSR, puisqu’il lie aux œufs. Massialot, en 1705, détourne encore davantage en proposant une sauce faite de persil, sel, poivre blanc, jaunes d’oeufs, filet de vinaigre, un peu de bouillon :cette fois, c’est une suspension, une sauce qui doit son épaisseur à la coagulation des jaunes d’oeufs plutôt qu’à l’émulsion du beurre fondu dans le bouillon dans le vinaigre.


 

A noter que tout cela se retrouve ensuite dans le "Glossaire des métiers du goût" : https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/glossaire/glossaire-des-metiers-du-gout
(il me faut parfois un peu de temps pour rectifier le glossaire)

 

Cela étant, si votre recette consiste à faire revenir des échalotes avec du vinaigre et du vin, puis à ajouter de la crème et du beurre, alors je ne l'ai jamais ratée, considérant les principes sains suivants :
 

1. "Il faut au moins 5 % d'eau pour faire tenir une émulsion".

2. "Il faut des composés tensioactifs (protéines par exemple) pour assurer la dispersion stabilisée des gouttes de matière grasse dans l'eau". 


Ici, l'eau vient du vinaigre, du vin, de la crème, du beurre... mais elle s'évapore, et c'est souvent la cause du ratage.

Couper menu les échalotes ? C'est seulement une question de goût, mais il est vrai que plus vous coupez finement, plus vous libérez le contenu des cellules.

Réduire lentement le mélange échalotes+vinaigre+vin ? A ma connaissance, personne n'a encore comparé la réduction lente ou rapide, analytiquement en tout cas. Une expérience à faire... assortie d'un test triangulaire, comme je l'explique dans l'avant dernier numéro de Pour la Science
 

Ajouter du vin au vinaigre ? Je crois que la question de l'acidité est très secondaire. C'est la présence d'eau qui compte.
 

Laisser refroidir les échalotes ? Aucun intérêt."Il faut au moins 5 % d'eau pour faire tenir une émulsion".
 

Ajouter de la crème ? La crème apporte de l'eau, ce qui permet de mettre ensuite plus de beurre. Elle apporte aussi des tensioactifs, et cela est important (voir plus loin). 

Ajouter un filet d'eau froide : certainement, quand on met beaucoup de beurre, on risque de dépasser les 95 % fatidiques, et, tout comme on met du jus de citron ou du vinaigre dans une mayonnaise qui épaissit, un filet d'eau fait son office... mais dommage, car l'eau n'a pas de goût : pourquoi pas vin, vinaigre, jus de citron, thé, jus de légume, fond, jus de fruit, etc. ?

Le beurre froid, en morceaux : aucun intérêt, car il finit toujours par fondre et s'émulsionner.

Beurre clarifié : apporte moins d'eau, et le petit lait a un goût différent, donc une question de choix artistique (gustatif). Mais attention : pour un sauce sans crème, le petit lait devient essentiel, par les protéines qu'il apporte.
 

Réchauffer au bain marie ? Moi je réchauffe autant que je veux, et à plein feu, sans me fatiguer à faire un bain marie.

Bref rien de plus simple :
- le beurre fond, et fait "huile"
- il libère du petit lait (de l'eau et des protéines) quand il n'est pas clarifié
- et il faut 5% d'eau pour faire tenir l'émulsion, qui est d'ailleurs une émulsion de type huile dans eau.

Non, le beurre n'est pas une émulsion eau dans huile, comme cela est prétendu et fautivement enseigné jusque dans les écoles d'ingénieurs agronomes : voir à ce sujet mon livre Mon histoire de cuisine (fait pour des personnes comme vous), ou bien le Handbook of Molecular Gastronomy.

Les températures ? Peu importe... mais attention que plus on chauffe et plus l'eau s'évapore : pensons à nos 5%.

Instabilité de la sauce ? Les tensioactifs proviennent de la crème, du beurre... mais si l'on broie les échalotes, on peut aussi en extraire de ces dernières.
Car une émulsion, c'est de l'eau (phase continue), des gouttes d'huile, des tensioactifs pour les couvrir et les disperser.
Dans la crème et le beurre, il y a des tas de protéines, parfaitement tensioactives. Mais dans le beurre clarifié, elles ne sont pas présentes, d'où l'intérêt de la crème. A noter qu'on peut aussi ajouter des tensioactifs insipides : un quart de feuilles de gélatine, ou n'importe quel tissu végétal ou animal broyé finement (même du gazon), qui libérera des phospholipides et des protéines.

Bien cordialement, joyeuses fêtes


mercredi 29 novembre 2023

A propos de pain

On m'interroge sur la chimie du pain, et voici quelques éléments de ma réponse : 

 

1. Le gluten est une matière qui peut (ou non) être sur la forme d'un réseau, et ce réseau est effectivement "viscoélastique", ce qui signifie qu'il s'écoule quand on tire dessus, mais qu'il revient sur lui-même (élasticité) quand on le relâche.

Il est formé de deux types de protéines  : LES gliadineS, et LES gluténineS.

 

2. Une protéine est un composé dont les molécules sont des enchaînements chimiques de "résidus d'acides aminés" (plutôt que d' "acides aminés").
Et pour la définition de protéine, le Modernist ne vaut pas l'International Union of Pure and Applied Chemistry  :

Naturally occurring and synthetic polypeptides having molecular weights greater than about 10000 (the limit is not precise).
See also: peptides
Source: PAC, 1995, 67, 1307. (Glossary of class names of organic compounds and reactivity intermediates based on structure (IUPAC Recommendations 1995)) on page 1361 [Terms]

 

3. Le gluten a-t-il été découvert par Jacoppo Beccari ou Jacopo Beccaria ? Pour en avoir le coeur net, rien ne vaut mon article
Hervé This, « Who discovered the gluten and who discovered its production by lixiviation? », Notes Académiques de l'Académie d'Agriculture de France/Academic Notes from the French Academy of Agriculture, vol. 3, no 3,‎ 2002, p. 1-11. DOI 10.1098/rstb.2001.1024).

dimanche 24 septembre 2023

Remplacer la viande par les protéines végétales ?

 
Remplacer la viande par les protéines végétales ? La chose paraît simple, puisqu'il s'agirait d'extraire des protéines de végétaux, et de les ajouter à des plats classiques ou de les utiliser en remplacement des viandes : on mêlerait les protéines végétales à de l'eau, et l'on cuirait comme l'on cuit une omelette. 

Toutefois il y a des roues dans les roues, comme disait le prophète Ezéchiel, et il faut savoir qu'une bonne partie de la France est en sub-carence en fer.
Or le fer des végétaux est mal assimilé, contrairement au fer des viandes. Lors d'un remplacement, il y a fort à parier que la sub-carence deviendrait une carence, s'accompagnant de nombreux troubles sanitaires, à l'échelle de la population. 

Pour remplacer la viande par les protéines végétales, il faudra donc tenir compte de cette question de l'assimilation du fer, et rien ne vaudra une bonne analyse de la différence entre le fer des végétaux, et le fer des animaux. 

Une telle analyse est déjà bien entamée, et il apparaît que le fer des viandes est bien assimilé, parce qu'il est présent au sein d'un groupe chimique nommé « hème », mot que l'on retrouve dans « hémoglobine ». 

Une solution consisterait donc, par exemple, à ajouter du fer dans un tel groupe, mais il y a d'autres solutions peut être plus simples, telle l'administration de fer en présence de vitamine C, puis qu'il a été montré que l'assimilation se fait alors bien mieux. Et il y a aussi toutes les solutions que mes jeunes collègues trouveront : un merveilleux chantier...

mercredi 13 septembre 2023

La décomposition des protéines et des amidons lors du repos d'une pâte ? Je n'y crois pas.

 

Un correspondant me tend la phrase suivant :

"Le repos aiderais aussi a ce que les proteines de la farine et les amidons se decomposent et donc accelerent le processus de brunissement au four pour obtenir une saveur plus prononce." [sic]


Le repos d'une pâte favoriserait la décomposition des protéines et de l'amidon lors de la cuisson ? Je ne sais pas d'où cela peut sortir et je ne crois pas que cela soit vrai, car les protéines (plutôt que "proteine") et les molécules de l'amidon (plutôt que "les amidons") n'ont aucune raison chimique de de décomposer.

Mais, cela dit,  je ne vais certainement pas chercher des explications théoriques à un phénomène auquel je ne crois pas, car  il m'est  trop souvent arrivé de tomber dans le piège de la demande d'explication à des phénomènes qui n'existaient pas,  et l'on se sent bien ridicule quand on fait l'expérience et qu'on voit qu'il n'y a aucun phénomène à interpréter.

Ici, il y a donc lieu, tout d'abord,  d'organiser une expérience correcte, qui consiste à prendre une pâte, à la diviser en deux moitiés, à diviser chaque moitié en 3 ou 4 échantillons, et a commencer par cuire les quatre échantillons d'une même moitié en différents endroits, dans le même four qui aura été préchauffé et réglé à une température bien connue. On enfournera les quatre éléments quand le four aura atteint son équilibre, et l' on cuira pendant un certain temps ; puis on sortira les ingrédients les échantillons du four.  Le lendemain, par exemple, on prendra les quatre autres échantillons et on leur fera subir le même traitement. Puis, on effectuera les tests triangulaire soit pour la couleur soit pour le goût avec chaque fois trois échantillons à raison de deux d'une sorte et un de l'autre sorte, numérotés et donnés à déguster dans un ordre aléatoire ,à plusieurs reprises. On ne demandera qu'une chose aux jurés, à savoir "Pouvez-vous nous dire lesquels sont les deux échantillons du même lot ?".
Et c'est seulement suite que l'on cherchera des explications... s'il y a lieu de le faire !

mardi 12 septembre 2023

Une "dénaturation des protéines", ce n'est pas une "décomposition", ni une "dépolymérisation" : méfions-nous des mots de plus de trois syllabes que nous ne comprenons pas.

Un correspondant me tend un :

"La congélation des pâtes entrainerait une dépolymérisation des macropolymères de gluténine dans la pâte"

Et la phrase n'a aucun sens, en plus de véhiculer une information très probablement fausse.

La congélation d'une pâte, on comprend bien ce dont il s'agit : on met une pâte (farine, beurre et eau) dans un congélateur : la farine est intouchée, le beurre durcit parce que ses molécules  "cristallisent" (les molécules de triglycérides s'associent en empilements réguliers nommés "cristaux"), et l'eau congèle (les molécules d'eau forment de la glace).
A noter que, dans cette description, les molécules d'eau qui pontaient les protéines du "gluten" (gluténines, gliadines) dans la pâte cessent peut être d'assurer cette liaison, pour s'associer, ce qui correspondrait à un affaiblissement du réseau de gluten... si cette eau ne revient pas ponter les protéines lors de la décongélation, ce que je ne sais pas.

La "dépolymérisation des macropolymères de gluténine" ? La phrase n'a pas de sens, déjà parce que le mot gluténine au singulier n'a aucun sens : il n'existe pas "la gluténine", mais, plutôt, dans la pâte, des molécules de différentes gluténines.
Le mot "gluténine" désigne une catégorie d'objet : les grosses gluténines et les petites gluténines (on dit HMW et LMW, mais c'est un détail) , dont il existe beaucoup de catégories.
Et une catégorie, c'est  abstrait. Ce qui est concret, ce sont les molécules de gluténines.

Ces molécules de gluténines sont toutes des "polymères", car elles sont formées par l'enchaînement de nombreux motifs, nommés monomères (comme les anneaux d'une chaîne), qui, en l’occurrence, sont des "résidus d'acides aminés". En revanche, cela n'a aucun sens de parler de "macropolymère", car un polymère est une macromolécule : dans les deux cas, il s'agit de molécules formées par l'enchaînement de nombreuses unités. Bref, le mot "macropolymère" est une sorte de monstre dont on peut supposer, vu le nombre de syllabes, qu'il recouvre toujours l'incompréhension de celui ou celle qui le prononce, et parfois la volonté prétentieuse d'épater... au risque d'être pris la main dans le sac. Mais je n'ai pas dit que mon interlocuteur était dans cette seconde position.

La "dépolymérisation" ? Il y a encore beaucoup de syllabes, mais le mot est propre, juste... à condition qu'il désigne effectivement la dissociation d'une macromolécule, ou d'une molécule de polymère (on se souvient que c'est la même chose), notamment une molécule d'une gluténine particulière, en ses unités constitutives. Oui, des monomères peuvent "polymériser", quand ils s'enchaînent chimiquement en grand nombre, et il des polymères peuvent se dépolymériser, dans les liaisons chimiques sont détruites. on parle de dépolymérisation...

Et, en tout cas, j'ai les plus grands doute sur le fait que cela se produise lors d'une congélation !
Soyons clair : je n'y crois absolument pas, d'autant que je vois que nombre des phrases qui me sont soumises confondent les matières, les molécules, et cetera, et que si les mots sont erronés, je suis quasiment certain que les idées le sont aussi.  

A propos de congélation,  il y a un principe essentiel de la physico-chimie à savoir que la température correspond à au mouvement des molécules : des molécules formant un échantillon de matière (solide, liquide, gaz)  bougent rapidement quand l'échantillon de matière est chaud, et elles bougent plus lentement quand l'échantillon de matière est froid, notamment dans une congélation.

Pour fixer les idées, partons d'un peu d'eau liquide, à la température ambiante : cette eau est faite de molécules d'eau, comme des billes qui bougeraient sans cesse en tous sens, à très grande vitesse.
Si l'on chauffe l'eau, alors les molécules vont encore plus vite, et si vite même qu'elles peuvent arriver à quitter le liquide, tout comme une fusée qui a une vitesse supérieure peut quitter l'attraction terrestre.
Inversement, quand on refroidit l'eau, les molécules d'eau ralentissent, et elle ralentissent tant que, finalement, les attractions entre  les molécules d'eau deviennent plus fortes que leur mouvement : les molécules restent alors collées les unes aux autres, se limitant à vibrer un peu sur place : c'est la glace.

La congélation correspond ainsi à l'immobilisation des molécules  : dans une pâte à foncer, faite de grains d'amidon, de molécule de protéines et de bien d'autres composés, de beurre, c'est-à-dire de triglycérides et d'eau, il en va de même.
Pour l'amidon, pas de nouveauté puisque les molécules d'amylose et d'amylopectine qui sont entassés en grains d'amidon ne bougent déjà pas.
Pour les molécules de triglycérides, la matière grasse, alors cette dernière cristallise, les molécules de triglycérides s'empilant régulièrement et ne bougeant plus.
Pour les molécules d'eau, de même, la congélation provoque la formation de glace.

Les protéines, dans cette affaire ? Il en va de même : ces molécules en forme de pelote, ralenties, s'immobilisent. Et à froid, en tout cas pour des périodes de quelques heures, il n'y a aucune réaction chimique, aucune dégradation de rien  du tout ! Car pour qu'il y ait réaction, il faut que des molécules se rencontrent ; or elles ne bougent plus. Ou bien il faut que les atomes liés par une liaison chimique aient beaucoup d'énergie ; or la congélation réduit cette énergie.

Mais, en analysant toute cette question, je crois finir par comprendre que mon correspondant a confondu la "dénaturation" des protéines et leur dissociation. Il faut donc une seconde partie à ce billet.


Pour les protéines, il y en a de différentes sortes, mais, pour l'explication, nous considérerons les protéines globulaires : les molécules de ces protéines sont comme des fils repliés sur eux-mêmes en pelote. C'est le repliement particulier qui permet à ces molécules de protéines d'avoir des activités biologiques, par exemple enzymatique.
Ainsi la broméline, qui est une enzyme présente dans l'ananas, a la propriété de couper les autres protéines et, notamment, les molécules de collagène qui donnent leur dureté aux viandes, ou  les molécules de gélatine qui font gélifier de l'eau. Et c'est ainsi que du jus d'ananas frais injecté dans les viandes transforme celles-ci en une sorte de pâte ; et  c'est aussi pour cette raison que les gels de gélatine avec de l'ananas frais finissent liquides. Dans ces deux cas, les molécules de protéines que sont le collagène ou la gélatine sont "décomposés" par les molécules de broméline.
J'insiste sur le "décomposé" qui se différencie complètement du "dénaturé". Qu'est-ce que "dénaturé" ? La broméline, comme les autres protéines dont je parle, est donc enroulée sous forme de pelote, mais quand on chauffe par exemple, cette pelote se déroule et l'activité enzymatique de la broméline est perdue,  et c'est ainsi que l'on parvient très bien à faire des gelées d'ananas avec de l'ananas cuit. Le changement de repliement correspond à une "dénaturation", pas à une dissociation : le fil moléculaire est enroulé différemment, pas cassé en petits morceaux.

Pour les gliadines et les protéines du de la farine, c'est la même chose : la dénaturation correspond simplement à une modification de l'enroulement, et cela ne change pas à ma connaissance les capacités de former le réseau de gluten.


lundi 11 septembre 2023

Le beurre et la farine dans une pâte

 
Le beurre permettrait d'envelopper les protéines de la  farine, quand on fait une pâte ?

Ainsi posée, la question est très probablement négative, ou, plus exactement, la question n'a pas de sens, parce que le beurre et les protéines ne sont pas à la même échelle.

Le beurre, c'est une matière principalement formée de très nombreuses molécules de triglycérides : pensons à un énorme paquet de poulpes à trois tentacules, chaque poulpe représentant une molécule de triglycérides.

Dans le beurre, il y a également un peu d'eau, jusqu'à 20 % au maximum mais comme celui-ci n'interviendra pas dans la description qui est faite maintenant, oublions-le.

Les protéines maintenant, et notamment les protéines de la farine, sont des objets de la taille des poulpes, et pas du beurre (lequel est fait de milliards de "poulpes"). Ces protéines sont essentiellement isolées, et c'est seulement  quand elles sont en présence d'eau quelles forment d'un grand filet de "gluten", chaque molécule de protéine faisant un tout petit bout d'une maille.
Ajoutons que les protéines sont le plus souvent solubles dans l'eau de sorte qu'il n'y a aucune raison qu'elles soient enveloppées par le beurre.

D'ailleurs, que signifierait "enveloppé par le beurre" ? Stricto sensu, cela voudrait dire qu'une molécule de protéines s'entourerait de molécules de triglycérides  ? Mais cela n'arrive pas car il n'y a pas de liaison possible entre ces deux types de molécules.

Et tant que je n'ai pas vu d'article établissant la thèse discutée ici, il faut considérer que c'est de la pure invention. 

En revanche, on peut parfaitement parler de farine enrobée dans du beurre, comme on le voit sans peine quand on sable du beurre avec de la farine.

jeudi 7 septembre 2023

Des "pâtes de protéines" ?



On m'interroge à propos d'une "pâte de protéines" et, là encore, la question est beaucoup trop floue pour que je sache quoi répondre.

Commençons donc simplement par évoquer la poudre de blanc d'oeuf. Cela s'achète au kilo et l'on a une espèce de poudre analogue et de la farine sauf qu'il ne s'agit pas de polysaccharides mais de protéines.

La poudre de blanc d'œuf ? Pour la produire, il suffit d'évaporer l'eau d'un blanc d'oeuf, puisqu'un blanc d'oeuf est fait de 90 % d'eau et de 10 % de protéines.

Soit donc un récipient contenant cette poudre,  ces protéines. Si on prend une cuillerée de protéines et une cuillerée d'eau, alors on obtient une pâte très épaisse.
Si on prend une proportion d'eau supérieure, alors la pâte devient moins épaisse, exactement comme avec de la farine : tout cela s'apparente donc à la confection d'une pâte à crêpes à partir de farine et d'eau, ou bien de farine et de lait, ce qui revient au même un peu de choses près.

On peut donc faire des pâtes de protéines sans aucune difficulté à condition d'avoir de l'eau et des protéines.

Jusque-là, je n'ai évoqué que les protéines d'œuf mais il y a des protéines dans bien d'autres produits,  animaux ou végétaux.
Et c'est ainsi que les légumineuses sur le soja, le poids, la féverole, cetera sont des végétaux qui précisément, produisent des protéines. Des protéines végétales, dans ce cas, mais qui  sont sous la forme d'une poudre comme la poudre de blanc d'oeuf.

Et on les utilise exactement comme je viens de le décrire. On peut donc partir d'un paquet de protéines végétales et faire une pâte de protéine.

Evidemment, dans l'expérience que je décrite, j'ai proposé de prendre de l'eau mais on peut prendre de l'eau qui a du goût  : thé, café, jus d'orange, jus de tomate, vin, bouillon, et cetera.

Que faire d'une telle pâte ? Si l'on veut on peut faire des spaghettis, on peut faire des feuilles comme pour des lasagnes, on peut faire des crêpes, on peut faire des galettes, on peut faire exactement ce que l'on veut.

Et si les protéines ont été choisies de telle façon qu'elles puissent coaguler, alors on pourra faire l'équivalent d'une viande (un "dirac"), au moins du point de vue de la consistance.

Mais on peut faire bien mieux et par exemple étaler la pâte de protéine, la strier à la fourchette, la cuire, la rouler sur elle-même en feuille et obtenir comme un surimi.

On peut donc faire exactement ce que l'on veut à condition de comprendre.

Au fait ? Le goût ? On se souvient que le goût, c'est la couleur, la consistance, la température, les saveurs, les odeurs, et les piquants et les frais, et cetera.
On oubliera donc pas, avant cuisson ou avant l'utilisation d'ajouter à la pâte de protéines des composés qui donnent de la couleur, de la de la saveur, de l'odeur, et cetera.

La saveur ? Evidemment le sucre, le sel, l'acide tartrique... Bref tout ce que vous voulez.
L'odeur ? Là encore, grâce à la cuisine de synthèse que j'avais surnommé cuisine note à note, nous avons maintenant des composés qui donnent de l'odeur sur mesure, et le cuisinier, comme un parfumeur, peut construire le goût du plat qu'il produit.

samedi 10 juin 2023

Les protéines ? Les acides aminés ?



Protéines, acides aminés :  de quoi s'agit-il ?  Commençons par des protéines. Je propose d'en voir, soit en regardant un tas de gélatine en poudre, soit en regardant une feuille de gélatine, soit en considérant de la poudre de blanc d'oeuf, soit en faisant sécher du blanc d'oeuf.
Dans tous ces cas, il y a un solide, souvent vitreux, qui peut être divisé en grains, lesquels apparaissent blancs parce que la lumière blanche se réfléchit sur leurs faces.
Nous aurions pu en voir de vertes, pour des protéines extraites du chanvre... mais la couleur n'aurait pas été celles des protéines, mais d'impuretés dans la matière extraite du végétal.

D'ailleurs, dans quelles matières trouve-t-on des protéines ? Dans tous les tissus végétaux ou animaux... mais il est vrai que les muscles des animaux en contiennent beaucoup. Et, pour les plantes, c'est du côté des légumineuses que l'on ira chercher : pois, lentilles, soja...

Reste que l'extraction la plus simple est à partir du blanc d'oeuf, puisque celui-ci est fait de 90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines. Quand on laisse sécher un blanc d'oeuf à l'air, l'eau s'évapore et l'on récupère un solide jaune vert, comme une résine : il est fait quasi exclusivement de molécules de protéines.

Des molécules de protéine ? Si nous regardons le blanc d'oeuf avec un supermicroscope supergrossissant, on voit de petits objets qui bougent rapidement en tous sens : ce sont les molécules d'eau ; et, parmi elles, il y a des sortes de pelotes, qui sont les molécules de protéines.  Dans les deux cas, il s'agit de  molécules mais ces molécules ne sont pas les mêmes. D'ailleurs dans le blanc d'oeuf, les pelotes sont de plusieurs sortes : en chimie, on dit qu'il y a plusieurs sortes de molécules de protéines, ou plusieurs protéines différentes

mercredi 7 décembre 2022

 Le blanc d'oeuf

Ici, je veux décrire le blanc d'oeuf.

Nous savons tous qu'il s'agit d'un liquide un peu gluant, épais, jaune tirant vers le vert et, en réalité, structuré :  comme on le voit quand on casse un œuf dans une assiette très plate ; autour du jaune, le blanc se répartit en une couche avec des marches, et d'autant plus de marches d'ailleurs que l'oeuf est plus frais.

Évidemment, s'il y a du liquide en hauteur, en haut des marches, c'est qu'il ne coule pas, et s'il ne coule pas, cela prouve que ce liquide est retenu.
Effectivement, il est en quelque sorte gélifié : le blanc d'oeuf est un gel  très fragile, mais un gel quand même, et les marches sont toutes des gels différents.

Cela dit, ce qui nous intéresse cette fois, c'est la constitution de ce blanc d'oeuf en molécules puisque nous avons vu que les molécules sont l'essentiel de la matière de la cuisine.

Quand on regarde un blanc d'œuf à la loupe, il est donc transparent et légèrement jaune tirant vers le vert d'ailleurs. Mais il paraît homogène.

Il faut encore un microscope extraordinairement puissant pour voir un tableau bien différent : cette fois, on voit les très nombreux objets tous identiques, que l'on a nommé des molécules d'eau, qui bougent en tous sens, se heurtent, rebondissent les uns contre les autres, à des vitesses de plusieurs centaines de mètres par seconde. Mais contrairement à l'eau pure, le "tableau moléculaire" ne s'arrête pas là : il y a aussi, entre les molécules d'eau,  des objets bien plus gros que les molécules d'eau, comme des fils repliés sur eux-mêmes.
Ces objets-là ce sont ce que l'on nomme des molécules de protéines.

Dans le blanc d'oeuf, il y a des molécules de protéines d'environ 300 sortes.
Et au total, la masse des protéines dans un blanc d'oeuf est environ 10 fois plus faible que la masse des molécules d'eau.

Ces molécules de protéines bougent également mais bien plus lentement que les molécules d'eau.

vendredi 22 juillet 2022

À propos des types de farine


 
Pour les cuisinières et cuisiniers domestiques, le choix des farines n'est pas si grand, et les recettes notamment préconisent surtout l'utilisation de farines "de type 45" ou "de type 55".

Et les livres de cuisine d'ajouter que les farines de type 45 seraient mieux adaptées à  la pâtisserie,  tandis que les farines de type 55 conviendraient mieux pour du pain, par exemple.

Mais l'alimentation française a fait des progrès considérables et, même en supermarché, aujourd'hui, on trouve des farines d'autres types, par exemple 70, ou 80.


Que sont ces "types" ?

On gagnera à se souvenir que la farine est faite à partir de grains de blé qui sont moulus.

Initialement, ces grains ont une enveloppe, le son, et une amande, faite principalement d'amidon.

Plus on conserve le coeur du grain, et plus la farine est blanche... mais moins elle contient de protéines: ce fameux "gluten".

Sauf que, pour selon blés, il y des contenus en protéines très différents, et le coeur d'un blé riches en protéines peut contenir plus de protéines que la partie externe d'un autre blé.

Le "type", c'est le taux de cendres : la masse de cendres qui reste après la calcination d'une masse donnée de farine.

Et, souvent, les farines de type élevé ont plus de protéines que des farines de type inférieur... mais pas toujours, car le taux de cendres et le taux de protéines ne sont pas parallèles.

Cela fait des décennies que je milite pour que les fabricants donnent, sur les paquets, des indications utiles aux utilisateurs.  


mardi 19 avril 2022

La cuisson d'une viande ? D'abord une coagulation

 

Je n'ai pas suffisamment expliqué que la cuisson d'une viande s'apparente à la confection d'une terrine ou à celle d'un œuf dur.

Faisons sauter une viande : cela se fait dans un sautoir ou dans une poêle.
Oui, on saute une viande dans une poêle, mais on ne poelle que dans un poellon.

Bref, dans une poêle fortement chauffée, en présence d'un corps gras qui évite que la viande n'attache au récipient, on voit que la couleur de la viande change, en surface, tandis qu'un peu de fumée part vers le haut.

Mais le principal effet est le durcissement de la viande.

Et là je vous propose  de faire l'expérience qui consiste refermer le pouce et l'index d'une même main, sans serrer. De l'index de l'autre main, vous touchez alors la chair sous le pouce et vous constatez  que c'est très mou.
Puis vous remplacez, l'index par le majeur, toujours contre le pouce,  et l'on s'aperçoit alors que la partie charnue sous le pouce devient plus dure. Avec l'annulaire, c'est encore plus dur,  et avec l'auriculaire c'est encore plus dur qu'avec l'annulaire.
Ces différentes consistances correspondent aux différents degrés de cuisson des viandes sautées : bleu avec l'index, saignant pour le majeur, puis à point et bien cuit.
C'est ainsi que certains cuisiniers reconnaissent le degré de la cuisson  : ils comparent la sensation sentie sous le pouce et celle de la viande en train de cuire.

Mais je reviens à mon point essentiel : la viande qui cuit durcit. Pourquoi ?

Parce que la viande est un faisceau de faisceaux de tubes extrêmement fins  : les "fibres musculaires".

Ces tubes, ces tuyaux, renferment de l'eau et des protéines, c'est-à-dire environ une matière qui a la consistance initiale du blanc d' œuf.

Les protéines principales de l'intérieur des fibres ont pour nom actine et myosine, et elles assurent la contraction des muscles par un mécanisme que je n'explique pas ici.

Car je veux arriver au point essentiel : la dureté progressive de la viande découle de la coagulation de ces protéines.

Oui, dans l'intérieur des fibres d'une viande, il y a coagulation comme dans une terrine, mais avec la différence que les protéines restent dans les fibres musculaires, quand on saute une viande, alors qu'elles sont libérées dans la masse broyée, pour une terrine.

Et le durcissement des viandes à la cuisson est donc tout à fait de même nature que la coagulation d'une terrine, ou encore que la cuisson d'un oeuf sur le plat, ou d'un oeuf dur, par exemple : les protéines font coaguler la masse.

jeudi 17 février 2022

À propos de quenelles : ne vivons pas au Moyen Âge !

 

Il n'y a pas lieu de cuisiner comme au Moyen-Âge : de même que nous ne roulons plus en charette, nous n'avons pas de raison de cuisiner avec des procédés qui étaient déjà présents au Moyen-Âge ou à la Renaissance, n'est-ce pas ?

Pour réaliser des quenelles, il y a à la fois le geste technique de les mouler entre deux cuillères, ce qui s'apprend avec la pratique, mais il y a surtout la question de la juste consistance de la préparation, pour que les quenelles se tiennent quand elles tombent dans l'eau bouillante où elles sont pochées.

Commençons par le mot "poché, qui dit  bien qu'il s'agit de faire une poche où le reste de la préparation est retenu : il doit y avoir une coagulation de la surface, qui maintient l'intérieur de la quenelle.

S'il y a un pochage, c'est manifestement qu'il y a des protéines dans l'appareil, d'une part, et que ces protéines sont en quantité suffisante pour "coaguler"  la couche de surface.

Coaguler ?  Ces protéines sont initialement en solution dans un liquide, fût-il pâteux, et il faut que leur concentration soit supérieure à 5 % environ pour que la coagulation, c'est-à-dire la gélification, puisse se faire.

Et c'est ainsi que les cuisiniers ajustent progressivement leur préparation, afin qu'elle ne soit ni trop dur ni trop tendre, à l'aide d'un œuf.

Mais les oeufs -blanc ou jaune-  apportent simultanément de l'eau et des protéines, alors que, quand l'appareil ne se tient pas, ce sont seulement des protéines dont on a besoin.

Pourquoi ne pas ajouter tout simplement des protéines à l'état pur ? Cela se trouve chez les pâtissiers  : soit de la poudre de blanc d'oeuf, soit de la poudre de jaune. Quelques cuillerées règlent la question.

Décidément, je suis heureux de ne pas vivre au Moyen-Âge.

samedi 21 août 2021

La cuisson des "oeufs parfaits"

Un ami, excellent scientifique, m'avoue ne pas bien comprendre la cuisson des oeufs à basse température, ce que j'avais jadis inventé sous le nom d'"oeufs parfaits", mais que je propose de nommer plutôt "oeuf à 65 degrés" quand ils sont cuits à 65 degrés, ou "oeufs à 67 degrés" quand ils sont cuits à 67 degrés, etc.


Il me faut lui expliquer le mécanisme de la constitution de ces oeufs, puisque si lui ne comprend pas, bien d'autres, aussi, risquent de ne pas comprendre.


1. Commençons simplement par considérer le blanc d'oeuf, parce qu'il est plus simple chimiquement que le jaune.
Ce blanc d'oeuf, c'est 90 % d'eau et 10 % de protéines. Ce qui correspond à 20 000 fois plus de molécules d'eau que de molécules de protéines.

2. Pour comprendre l'effet de la cuisson, il faut savoir que quand on chauffe un matériau,  les molécules du matériau s'agitent plus vite.
Or les molécules de protéines sont comme des pelote repliées sur elles-mêmes, dispersés parmi les molécules d'eau.

3. Quand on chauffe au-delà d'une certaine température, alors les protéines se déroulent, exposant la partie centrale qui, pour les protéines du blanc d'oeuf,  contient un atome de soufre lié à un atome d'hydrogène.

4. Et quand deux molécules de protéines voisines sont ainsi déroulées, alors les atome de soufre peuvent se lier et former des liaisons que l'on nomme des "ponts disulfures". 


5. L'ensemble des protéines attachées  les unes aux autres forme une sorte d'échafaudage dans toute la masse du blanc d'oeuf, une sorte de filet où les molécules d'eau sont piégées, comme des poissons dans un filet.
Et comme l'eau est piégée, elle ne coule plus, de sorte que l'on obtient un solide mou, qui est ce que l'on nomme un gel.

6. À ce point , on ne comprends pas pourquoi la coagulation de l'œuf peut être différente à différentes température, mais c'est cela que j'ai découvert, proposant la théorie améliorée suivante : dans la précédente description, j'ai évoqué des "protéines" sans plus de précisions, mais, en réalité, dans le blanc d'oeuf, il y a plusieurs sortes de protéines, et ces dernières coagulent à des températures différentes.

7. Vers 62 degrés, il y a une sorte de protéines qui coagule et qui forme donc un réseau, le filet dont je parlais.
Avec un seul filet et beaucoup de choses à l'intérieur, on comprend que le gel formé soit très délicat, très fragile. Cela correspond d'ailleurs à la cuisson que l'on observe entre 62 et 65 degrés : le blanc devient à peine laiteux et encore presque liquide ; plus ou moins fragile en tout cas.

8. Puis, si l'on chauffe à 65 degrés, alors un deuxième filet se forme, avec une autre sorte de protéines. Ce deuxième filet s'ajoute au premier, et l'ensemble est mieux tenu  : le gel est  un peu plus opaque et un peu plus solide.

9. Et si l'on porte maintenant la température à 68 degrés, alors c'est un troisième gel qui s'ajoute et le blanc devient un peu plus ferme et un peu plus blanc.

10. Et ainsi de suite jusqu'à 100 degrés où l'on a un empilement de réseaux qui fait le blanc que l'on reconnaît comme être caoutchouteux dans les oeufs durs.

11. Il faut ajouter que tout cela se fait "immédiatement" : dès qu'une température de coagulation est atteinte, la coagulation se fait. Et une fois une coagulation faite, elle ne bouge plus. Autrement dit, si l'on a porté l'oeuf à une certaine température, on peut le refroidir et le réchauffer sans avoir de changement... tant que la température ne dépasse pas celle qui avait été atteinte.

mardi 10 août 2021

De nouvelles questions de pâte à choux

Ce matin, ces questions, à propos de pâte à choux :


En quoi consiste réellement  le "dessèchement" de la panade :
correspond-t-il un empesage optimal des grains d’amidon à 95 degrés, à la déshydratation partielle du mélange en vue de rajouter les œufs (eau+protéines), ou bien les deux ?

Au cours du dessèchement de la panade (température montée jusqu’à 95 degrés), les protéines de la farine ainsi que certaines protéines du lactosérum vont dénaturées. Je souhaiterais savoir si cette dénaturation est irréversible ou bien réversible avec l’ajout des l’oeufs (eau)?

Aussi, les protéines des œufs, sont-elles les seules responsables de la formation de la pellicule qui emprisonnera la vapeur d’eau, permettant ainsi le développement du choux?


Essayons de répondre, question après question 

 


1. En quoi consiste réellement  le "dessèchement" de la panade :
correspond-t-il un empesage optimal des grains d’amidon à 95 degrés, à la déshydratation partielle du mélange en vue de rajouter les œufs (eau+protéines), ou bien les deux ?


Avant tout, il faut indiquer à ceux qui ne le savent pas que la première opération de préparation d'une pâte à choux consiste à faire bouillir de l'eau avec sel et beurre, puis à jeter la farine dans ce liquide bouillant, puis à travailler la pâte qui se forme, éventuellement en chauffant ("désséchement"). C'est seulement quand elle a été ainsi travaillée que l'on ajoute des oeufs entiers, en travaillant bien, et jusque la consistance soit un peu molle, mais pas coulante. On cuit alors sur plaque.
 Cela dit, on peut commencer à analyser. Certes, l'opération de "desséchement" fait perdre de l'eau, et la preuve en est que l'on voit une fumée blanche au-dessus de la casserole. Je n'a pas mesuré la perte de masse... mais des amis pourraient le faire facilement.
Un empesage "optimal" des grains d'amidon ? à 95 degrés ? Le terme "optimal" est un adjectif, qui n'a pas de sens, car optimal en vue de quoi  ? Et pourquoi la température serait-elle seulement de 95 degrés, alors que l'on voit des bulles de vapeur se former, indication que la température est au moins de 100 degrés.
Mieux, je crois que le brunissement léger montre que la température est supérieure à 100 degrés, là où la pâte touche le fond de la casserole.
Ce dont on peut être raisonnablement certain, c'est que l'agitation mécanique conduit certainement à des modifications  des grains d'amidon, lesquels sont empesés quand la farine est initialement déposée dans l'eau bouillante, un peu comme quand un risotto devient crémeux parce que le travail a libéré de l'amylose et de l'amylopectine, dans la solution entre les grains de riz.
Oui, aussi, le désséchement permet sans doute d'ajouter plus d'oeufs : il est bon de se souvenir que le blanc d'oeuf apporte 90 pour cent d'eau et 10 pour cent de protéines, et le jaune 50 pour cent d'eau ; d'ailleurs, on voit bien que l'ajout des oeufs conduit à une fluidification de la pâte, et l'on pressent qu'elle ne doit pas finalement être trop liquide, sous peine de s'étaler trop.


2. Au cours du dessèchement de la panade (température montée jusqu’à 95 degrés), les protéines de la farine ainsi que certaines protéines du lactosérum vont dénaturées. Je souhaiterais savoir si cette dénaturation est irréversible ou bien réversible avec l’ajout des l’oeufs (eau) ?
Là encore, mon correspondant signale une température de 95 degrés, que je conteste. 


Les protéines de la farine ou du lactosérum dénaturées ? Tout tient dans le mot "dénaturé" : il s'agit tout aussi bien d'une petite modification des protéines qu'un déroulement complet. Et, pour répondre à la question, je propose de considérer une autre protéines que celles dont on discute ici : la gélatine. Dans l'eau chaude, les brins protéines qui font la gélatine sont certainement "dénaturés", mais c'est sans conséquence. Au contraire de protéines globulaires du blanc d'oeuf qui, elles, quand elles sont déroulées, s'attachent en un réseau  : c'est la coagulation. Pour la gélatine, le réchauffage suffit à dissocier une gelée, à la faire fondre, mais le chauffage de blanc d'oeuf coagulé, lui, ne peut pas défaire le réseau (pour cela, il faut, comme j'ai été le premier à le montrer, ajouter un composé réducteur).
Et pour en revenir aux protéines de la farine ou du beurre, je dois dire que je n'ai pas la réponse. En tout cas, on voit que ce n'est pas une question de plus ou moins d'eau dans la pâte, qui fera le changement.


 3. Aussi, les protéines des œufs, sont-elles les seules responsables de la formation de la pellicule qui emprisonnera la vapeur d’eau, permettant ainsi le développement du choux?

 
Je ne crois pas que la croûte autour des choux qui emprisonne (un peu) la vapeur d'eau soit due aux protéines, mais plutôt au croûtage dû à l'asséchement de la couche de farine superficielle, les grains d'amidon empesés perdant leur eau et se soudant. Les protéines de l'oeuf, elles, me semblent surtout utiles pour la coagulation de l'intérieur, et, surtout, pour le goût.
Et je ne peux m'empêcher de comparer avec les soufflés : là, au contraire, ce sont clairement les protéines qui font la croûte... et cette croûte n'est en tout cas pas imperméable, puisqu'un soufflé de 100 grammes seulement perd 10 grammes d'eau à la cuisson (voir mon livre "Révélations gastronomiques", ainsi que mon calcul plus "universitaire" dans les Cours en ligne d'AgroParisTech.

samedi 8 mai 2021

Je vous présente l'ovalbumine


Si vous entendez parler d'albumine, au singulier, soyez assuré que e n'est pas quelqu'un qui sait bien de quoi il parle.

Car l'albumine est une notion introduite il y a plus de deux siècles, par les chimistes, pour désigner le principe coagulant de l'oeuf.

Puis, avec la découverte des diverses coagulations, notamment dans les plantes, on a d'abord étendu ce terme à des produits présents dans les végétaux, parlant d' "albumine végétale".

Mais on a vite découvert que ces diverses "substances" (encore un mot bien compliqué, à traquer) étaient différentes.

Et, en 1910, la communauté des chimistes (dont tout cela est la spécialité, ne l'oublions pas) a décidé de parler "des" protéines.

A cette époque, on a conservé le mot "albumine" pour désigner de petites protéines globulaires, telles qu'on en trouve dans le sang, l'oeuf, par exemple.

L'ovalbumine -on y arrive enfin- est une des protéines que l'on trouve dans le blanc d'oeuf.
Car ce dernier est fait de 90  pour cent d'eau, et de plus d'une centaines de protéines.

Evidemment, pour chaque protéine, chaque sorte, il y des milliards de milliards de molécules.
Pour l'ovalbumine, il y a environ 20 milliards de milliards de moléculs d'ovalbumine dans un blanc.

Et ces protéines permettent la coagulation, quand les chauffe en présence d'eau : les protéines, qui sont comme des pelotes, se déroulent et s'attachent, formant un grand filet où sont piégées les molécules d'eau.

Tout cela fait un solide mou : pensons au blanc cuit d'un oeuf sur le plat !

samedi 10 octobre 2020

Pourquoi il n'y a pas d'acides gras dans les triglycérides ni d'acides aminés dans les protéines



On rencontre décidément parfois des personnes étranges : là, des scientifiques (pas chimistes) ne veulent pas admettre, sans avoir à m'opposer d'arguments autres que des usages anciens (et fautifs),  que les protéines ne sont pas faites d'acides aminés, ou que les triglycérides ne sont pas faits d'acides gras.

Expliquons, aussi simplement que possible, et en prenant des exemples.

Si l'on regardait de l'huile à l'aide d'une sorte de super-microscope, on verrait un grouillement d'objets ressemblant à des pieuvres à trois tentacules. Ces objets ont pour nom "triglycérides", et ils sont faits d'atomes de carbone, d'oxygène et d'hydrogène.
La "tête des pieuvres" est faite de trois atomes de carbone, d'où partent les trois "tentacules". Or il y a un composé à trois atomes de carbone qui a pour nom glycérol, et les "tentacules" ressemblent beaucoup à des composés que l'on nomme des acides gras. De plus, on peut effectivement partir de glycérol et d'acides gras pour produire des triglycérides, mais au prix d'une réaction chimique, avec l'élimination de certains atomes d'oxygène et d'hydrogène. Bref, une fois que le triglycéride est fait, il n'y a plus de glycérol ni d'acides gras, même si un chimiste en retrouve la marque.

D'où ma conclusion : il n'y a pas d'acides gras dans l'huile, puisqu'il n'y a que des triglycérides. Et, d'autre part, il n'y a pas d'acides gras dans les triglycérides, mais seulement des résidus d'acides gras.

Ce que je viens d'expliquer se retrouve avec les protéines, qui ne "contiennent" pas d'acides aminés, mais sont des enchaînements de résidus d'acides aminés". Là encore, le mot "résidu" permet de bien comprendre que des atomes ont été éliminés des acides aminés.

Tout cela me semble simple et clair, mais je compte sur vous pour me signaler des obscurités.
En tout cas, je ne comprends pas pourquoi des collègues d'autres disciplines rechignent à utiliser des terminologies correctes... à moins qu'ils n'aient d'idées que de simples mots, comme des manteaux sans personne dedans ?

vendredi 13 mars 2020

A propos des omelettes (suites)

Suite à mon billet d'avant hier, je reçois le message suivant : 

je viens de lire votre très intéressant billet sur la cuisson des omelettes. Si je
comprends bien ce que nous avez expliqué par ailleurs (à propos de la gélatine  ou des confitures)  une omelette c'est donc un gel. Mais contrairement à la gelée la transformation est irréversible.

Je suis content que vous fassiez un billet la-dessus parce que ça fait longtemps que je me demande ce qui se passe lorsqu'on cuit un bifteck. Ce ne sont pas les m^emes protéines (actine et myosine si je me souviens bien d'un billet précédent) mais j'imagine que là encore les protéines s'attachent les unes aux autres pourdonner un steack cuit).


Et ma réponse, qui n'a pas tardée : 

 
Merci de votre message. Oui, un oeuf qui cuit est un gel, et un gel (assez) irréversible (en tout cas, quand on se limite aux moyens culinaires (en laboratoire, j'ai décuit des oeufs, comme je l'explique dans un article publié en 1997). 
Oui, à l'intérieur des fibres musculaires (actines, myosines) d'une viande, la "cuisson", c'est notamment la coagulation de ces protéines, et le même type de "gélification", d'où un durcissement (du steak bleu au steak bien cuit).
bonne journée

jeudi 12 mars 2020

Même pour une simple omelette


Même pour une simple omelette je m'aperçois qu'il y a lieu de  donner des explications.
Oui, depuis quelques semaines, je me suis mis à expliquer les transformations qui surviennent lors de la préparation des certains plats compliqués : cassoulet, soufflé, etc. Mais c'est souvent bien compliqué, et des amis me demandent des explications pour des choses bien plus simples, en quelque sorte : les omelettes.
D'ailleurs, je m'aperçois que je suis tombé dans un travers d'analyse insuffisante : j'ai privilégié des recettes "intéressantes" à des recettes utiles (à mes amis).

Pour une omelette, donc,  il s'agit de battre de l'oeuf, et de chauffer l'oeuf battu. Là,  les informations de base sont les suivantes : le blanc d'oeuf est fait de 90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines, tandis que le jaune est fait de 50 pour cent d'eau, de 15 pour cent de protéines et 35 pour cent de lipides (disons de "graisse"). Au total, il y a donc beaucoup d'eau avec des protéines, et un peu de graisse.
La graisse  n'étant pas soluble dans l'eau, elle est nécessairement dispersée sous la forme de gouttelettes. Et elle n'intervient pas notablement lors  de la cuisson.
On peut donc ne considérer que le chauffage de l'eau et des protéines, comme si la graisse n'était pas présente  : elle ne changera que la consistance plus ou moins crémeuse, en fin de cuisson.

De l'eau et les protéines  ?  Il faut imaginer un ensemble de billes pour représenter les molécules d'eau au milieu desquelles flottent des pelote de laine, pour représenter les protéines.


Quand on chauffe tout cela, les molécules s'agitent de plus en plus vite, et les pelotes se déroulent. Mais la différence entre des pelotes de laine et des protéines, c'est que les protéines déroulées s'attachent et  forment une espèce de toile d'araignée dans toutes les directions, emprisonnant les molécules d'eau. C'est cela qu'il faut apprendre à voir, quand on regarde une omelette  : un filet souple qui emprisonne les molécules d'eau.










Évidemment, si l'on agite l'omelette (avec une fourchette, on peut casser  localement le filet, ce que l'on nomme un réseau : on forme alors des morceaux d'omelette. Et si l'on agite bien plus vigoureusement, on peut aller jusqu'à l'oeuf brouillés.
Mais en tout cas, voilà la description générale du phénomène.